Beach wrestling

L'équipe féminine roumaine triomphe ; le Pakistanais Inam conserve son titre

By Marc Berman

SARIGERME, Turquie (le 7 octobre) --  Le championnat du monde 2018 de Beach wrestling s'est clôt dimanche dans la ville côtière de Sarigerme, où l'équipe féminine roumaine a triomphé et le Pakistanais Muhammad INAM a été le seul lutteur à savoir conserver son titre mondial.

En tout, 159 lutteurs de 17 nationalités différentes auront lutté sur le sable de cette discipline, qui se développe de façon exponentielle pour United World Wrestling.

Stefania Claudia PRICEPUTU (ROU) a rapidement posé les repères pour ses coéquipières, prenant le dessus sur Sevil ALIOGLU (TUR) en finale des 50kg 3-0, après s'être défaite de sa camarade Maria Alexandra CIOCLEA (ROU) lors des demi-finales.
Kriszta Tunde INCZE (ROU)
L'honneur de la deuxième médaille d'or de la Roumanie revient à Kriszta Tunde INCZE (ROU), qui s'est défaite de Francesca INDELICATO (ITA) en finale des 60kg. Indelicato avait survolé ses adversaires pendant tout le weekend, jusqu'à ce qu'Incze la stoppe par un amené à terre de dernière minute, permettant à cette dernière d'obtenir son premier titre mondial et d'offrir à la Roumanie sa seconde médaille d'or d'affilée.

Adina Elena POPESCU (ROU) a ensuite maintenu l'envolée gagnante de la Roumanie par une victoire sur la championne en titre Charlotte SKAUEN (NOR). Cette dernière, menée 2-0 à la mi-combat, avait pourtant réussi à remonter à 2-1 grâce à une mise à terre durement gagnée. En dépit de  ce tardif sursaut d'activité de la part Skauen, Popescu trouva une ouverture pour lancer une attaque gagnante l'amenant à son premier titre mondial par 3-1.

Perpétuant la lancée de l'équipe féminine roumaine, Catalina AXENTE s'est défaite d'Aikaterini Eirini PITSIAVA (GRE) en finale des +70kg 2-1. Grâce à cette victoire, l'équipe féminine roumaine est devenue la première à remporter l'intégralité des catégories de poids lors d'un championnat du monde de Beach wrestling.
Le Pakistanais Muhammad Inam célèbre sa victoire en finale des 90kg et la préservation de son titre face au Géorgien Irakli Mtsituri lors du deuxième et dernier jour du championnat du monde UWW de Beach wrestling à Serigerme en Turquie le 7 octobre 2018 (Photo par Dean Treml)

Chez les hommes, c'est le Pakistanais Inam qui aura inspiré la foule en écrivant l'histoire face à Irakli MTSITURI (GEO) dans un combat remporté 3-1. Si le jeune lutteur était le premier Pakistanais à avoir remporté le titre mondial de Beach wrestling, il est le premier champion du monde de cette discipline qui a su conserver son titre et le premier lutteur pakistanais, tous styles confondus, à avoir remporté deux titres mondiaux d'affilée.

Konstantine KHABALASHVILI (GEO)

Chez les +90kg, Baki SAHIN (TUR) était le seul représentant de son pays en finale hommes. Face au champion olympique Rares Daniel CHINTOAN (ROU), il n'aura pas déçu le public local turc, quelques frayeurs en début de combat ne l'empêchant pas de réaliser une mise à terre décisive en fin de rencontre.

La Géorgie s'est approprié les deux autres médailles d'or des catégories 70 et 80kg. Konstantine KHABALASHVILI (GEO) a vaincu, chez les 70kg, le champion en titre Semen RADULOV (UKR) dans une finale très attendue. Khabalashvili, médaillé d'Europe de lutte libre, s'était défait de Mehmet Emin OGUT (TUR) en demi-finale avant de battre Radulov 3-1 en finale.

Son coéquipier Jakob MAKARASHVILI (GEO) a lui vaincu Vasyl MYKHAILOV (UKR) 2-0, pour une seconde médaille d'or géorgienne. Makarashvili avait représenté la Géorgie lors des Jeux Olympiques de 2016 et a, pendant tout ce weekend, survolé ses adversaires juqu'à l'obtention du titre.

Plus de 300 combats ont été menés lors de ce championnat du monde de Beach wrestling, et 20 champions ont été élus parmi les catégories cadets, juniors et seniors.

Ce championnat était également qualificatif pour les Beach Games de 2019, un événement sportif quadriennal qui se tiendra l'été prochain à San Diego en Californie. Le Beach wrestling élargira son offre en 2019 avec, provisoirement, une tournée mondiale couronnée par un événement annuel.
 

Beach Wrestling - Hommes


70kg
OR : Konstantine KHABALASHVILI (GEO) df. Semen RADULOV (UKR), 3-1
BRONZE: Mehmet Emin OGUT (TUR) df. Gheorghe Constantin CONSTANTIN (ROU), 5-0

80kg
OR : Jakob MAKARASHVILI (GEO) df. Vasyl MYKHAILOV (UKR), 2-0
BRONZE: Jumber KVELASHVILI (GEO) df. Efe Sami UNAL (TUR), 3-1

90kg
OR : Muhammad INAM (PAK) df. Irakli MTSITURI (GEO), 3-1
BRONZE: Pedro Jacinto GARCIA PEREZ (ESP) df. Grigorios KRIARIDIS (GRE), 3-0

+90kg
OR : Baki SAHIN (TUR) df. Rares Daniel CHINTOAN (ROU), 5-1
BRONZE: Irfan METE (TUR) df. Niazi IMPIS (GRE), 3-0

Beach Wrestling - Femmes

50kg
OR : Catalina AXENTE (ROU) df. Aikaterini Eirini PITSIAVA (GRE), 2-1
BRONZE: Diana Elena VLASCEANU (ROU) df. Adina Ionela IRIMIA (ROU), 4-1

60kg
OR : Kriszta Tunde INCZE (ROU) df. Francesca INDELICATO (ITA), 4-0
BRONZE: Jeannie Agnes KESSLER (AUT) df. Camila FAMA TRISTAO (BRA), 0-0

70kg
OR : Adina Elena POPESCU (ROU) df. Charlotte SKAUEN (NOR), 3-1
BRONZE: Beatrice DUKOV OANCEA (ROU) df. Cesilie Hoeivik MAGNUSSEN (NOR), 3-1

+70kg
OR : Catalina AXENTE (ROU) df. Aikaterini Eirini PITSIAVA (GRE), 2-1
BRONZE: Diana Elena VLASCEANU (ROU) df. Adina Ionela IRIMIA (ROU), 4-1

Beach wrestling

La gloire d'Inam

By Vinay Siwach

Muhammad Inam n'était jamais allé à la plage. Sa ville natale de Gujranwala est un hameau enclavé dans le nord-est du Pakistan où l'océan, l'air marin et les vagues frappant le sable ne sont qu'illusion.

C'était ainsi jusqu'à ce qu'Inam s'inscrive dans la catégorie des +80kg pour les Jeux de plage d'Asie 2014 de Pukhet en Thaïlande. Là, Inam a pu goûter de l'air marin, mais aussi de la défaite.

Devenu une star au Pakistan après avoir remporté la médaille d'or des Jeux du Commonwealth en 2010, Inam était reparti de Pukhet avec le bronze. Pour une personne de sa stature et capacité, c'était, d'après lui, un échec.

Mais c'était également une chance.

Inam prit alors la décision d'être mieux préparé que ses opposants pour les jeux de plage et championnats à venir et d'inclure la lutte de plage dans ses entraînements quotidiens et ses routines de musculation.

"La plage la plus proche était pour nous celle de Karachi, à 1'300 kilomètres. Aller là-bas n'était pas possible parce que j'ai ici un akhara [un centre d'entraînement, ndlr]. La lutte pakistanaise vit à Gujranwala."

Muhammad INAM (PAK) pose avec des amis devant la sablière qu'ils ont construite avec le sable d'un lac voisin.

Avec l'aide de ses coéquipiers, Inam s'est rendu à un lac voisin, où ils ont extrait du sable pour le ramener à leur akhara. Ils en ont ensuite fait une aire de pratique circulaire.

L'idée de faire une sablière leur était venue au retour de Pukhet, puisqu'aucun lieu similaire n'existait alentour.

"J'ai amené du sable des marais et lacs environnants pour en faire un cercle dans mon akhara," dit Inam. "Je travaille ici tous les jours. Cela ne coûte rien et les enfants adorent jouer sur le sable, sur lequel ils ne se font pas mal."

"Je ne peux pas lutter tous les jours alors nous faisons du beach volley ou du foot. Mais je suis sur ce sable deux heures par jour et j'en prends l'habitude. Mes muscles s'y habituent."

Il a également augmenté son nombre de participations à des compétitions de lutte dans la boue pour développer son endurance. En 2016, Inam s'est rendu aux Jeux de plage d'Asie, organisés cette fois au Vietnam. Il en est rentré avec la médaille d'or des 90kg après avoir vaincu en finale l'Iranien Mohammad Sadati. Il n'avait concédé aucun point lors des cinq tours du tournoi, mais en avait inscrit 17.

Muhammad INAM (PAK) soumet Pejman Fazlollah TABAR NAGHRACHI (IRI) 2-1 et devient le premier champion du monde de lutte de l'histoire du Pakistan. (Photo : Max Rose-Fyne)

Une année plus tard, à Dalyan en Turquie; Inam est devenu le premier champion du monde de lutte de l'histoire du Pakistan tous styles confondus, après avoir vaincu Pejman Fazlollah TABAR NAGHRACHI (IRI) 2-1 en finale.

De retour en Turquie en 2018, il défend avec succès son titre des 90kg face à Irakli MTSITURI (GEO). Pour ces deux mondiaux combinés, Inam n'aura concédé que trois points, avec un parcours 2018 marqué par quatre victoires par tombé, y compris en finale.

Célébré comme le meilleur lutteur du Pakistan, Inam a continué de suivre sa route avec en point de mire les nouvelles séries mondiales de lutte de plage de 2019 - quatre compétitions autour du globe récompensées en espèces sonnantes et trébuchantes, avant de tenter sa chance aux Jeux mondiaux de lutte de plage de Doha.

Après avoir réalisé la sablière de son centre de lutte, il s'y entraînait deux heures par jour pour s'habituer au sable de plage, ce qui n'était pas entièrement une nouveauté pour lui puisqu'il luttait dans la boue depuis l'âge de dix ans.

"Le Pakistan et l'Inde pratiquent la lutte dans la boue et ceci constitue la base de la lutte de plage aussi," dit-il. "Mon arrière-grand-père luttait, mon grand-père aussi et puis mon père. Tous étaient des lutteurs de dangals et c'est ce qui m'a aidé à devenir bon en lutte de plage."

Les deux pays d'Asie tiennent en effet des compétitions de lutte traditionnelle dans la boue sur un terrain de forme circulaire comme pour la lutte de plage. En dangals - ou lutte dans la boue -, est déclaré vainqueur celui qui force les épaules de son adversaire au sol, une autre règle similaire.

Avec la simplicité des règles et l'expérience acquise dans les tournois de lutte dans la boue depuis son adolescence, Inam était conscient qu'il avait une grande chance d'exceller en lutte de plage.

"J'ai toujours été un lutteur de boue. Le Pakistan n'avait que cinq tapis dans tout le pays. J'allais aux dangals et en 2014 j'ai remporté la médaille de bronze des Jeux d'Asie de lutte de plage et je me suis dit que c'est là que je pouvais être le meilleur."

"C'était un sentiment étrange et j'étais très à l'aise dans le sable. Je n'avais pas de problème pour trouver des appuis parce que je m'étais toujours entraîné dans la boue."

Inam, superintendant de la compagnie d'électricité de Gujranwala, explique que son succès dans la lutte de plage vient du fait qu'il avait décidé de faire ce que font les lutteurs internationaux sur le tapis.

Muhammad INAM (PAK) et des membres de son équipe autour de leur sablière.


"C'est comme si les choses étaient un peu à l'envers. Avant, je m'entraînais pour les compétitions sur tapis pendant un mois," dit-il. "Les Géorgiens, les Iraniens et les Russes s'entraînaient toute l'année. Maintenant, je m'entraîne pendant 12 mois tandis que les lutteurs sur tapis le font un mois avant la compétition."

Il voulait, par cette confidence, remporter à Zagreb, en Croatie, l'or des séries mondiales de classement, mais un problème inattendu l'en a empêché.

"Je n'ai pas pu obtenir de visa pour la Croatie parce que le Pakistan n'a pas d'embassade là-bas. J'ai depuis longtemps l'habitude de problèmes comme celui-là."

Malgré cette absence, Inam pariait toujours sur l'or des Jeux mondiaux de lutte de plage, pour lesquels il était le seul Pakistanais qualifié et en sentait monter la pression.

Tiré dans le Groupe B, avec le médaillé de bronze olympique (Londres 2012) Dato Marsagishvili (GEO) et des athlètes d'Azerbaïdjan, de Turquie et du Portugal, Inam débuta sa journée par une rapide victoire sur Kanan ALIYEV (AZE).

Puis vint le Turc Murat Ozkan dans un combat plus disputé mais au résultqt similaire, sa victoire par 1-0 lui permettant de passer aux éliminatoires. Sortir du groupe avait été le plus difficile.

Dato Marsagishvili (GEO), vainqueur des séries mondiales de lutte de plage en 2019 et le seul à avoir jamais vaincu Inam, était le prochain sur la liste.

Inam n'attendait que ça. Ce fut un combat plein d'action mais aucun des deux adversaires ne put briser la glace les deux premières minutes. Puis Marsagishvili se vit attribuer un point pour un coup dans l'oeil. Inam était en désaccord avec l'arbitrage mais ne put que poursuivre. C'est dans les dernières secondes qu'il inscrivit une ceinture avant et projection en demi-souplesse lui donnant avantage, victoire et revanche.

Inam passa confortablement en tête du groupe en soumettant Adao ANDRADE (POR) 3-0 pour atteindre les demi-finales. Marsagishvili aussi, en tant que deuxième du groupe, passa en éliminatoire.

Le destin décida que chacun remporte sa demi-finale, Inam vainquant Pedro GARCIA (ESP) 3-0, Marsagishvili Mihai PALAGHIA (ROU) 4-0. Troisième rencontre en cinq mois pour nos deux héros. Marsagishvili avait remporté la première 2-0 aux séries mondiales de Rio de Janeiro, Inam était sorti vainqueur à Doha en phase de groupe. La scène était prête pour que les acteurs jouent la médaille d'or des premiers Jeux mondiaux de lutte de plage de Doha.


Muhammad INAM (PAK) renverse le médaillé olympique de bronze Dato Marsagishvili (GEO) 5-3 en finale des Jeux mondiaux de lutte de plage.(Photo : Theo Lowenstein)

Marsagashvili construisit une avance de deux points par deux amenés au sol. Inam répliqua de la même façon pour mener 2-2 sur critères ; il était maintenant conscient qu'il lui fallait jouer le chronomètre pour les dernières 40 secondes.

Mais Marsagashvili voulait la revanche de sa matinale défaite. Dans une tentative désepérée, à quelques secondes de la fin, il essaya de prendre Inam en chassé mais c'est ce dernier qui prit le dessus pour mettre le Géorgien en tombé. Trois points pour Inam, et la médaille d'or en conclusion.

"Je l'avais déjà combattu et je sais ce qui m'avait manqué dans ce combat de Rio," a commenté Inam. "J'ai adoré gagner à Doha parce que tout le monde criait dans l'arène et que je luttais pour le Pakistan. Le combat était tellement dur et le gagner à l'arrachée m'a encore plus réjoui. Je ne peux pas trouver d'explication à l'atmosphère de cette journée."

Il fut accueilli comme un héro à son retour au Pakistan. Tout le monde voulait un morceau d'Inam et il fut sous le feu des interviews pendant plusieurs jours.

Après sa campagne victorieuse de Doha, Il espère que la lutte de plage soit inscrite au programme olympique des JO de Paris en 2024. Il aura alors 35 ans, n'empêche, il compte décrocher une médaille pour le Pakistan, dont la dernière récompense olympique dans la discipline remonte aux Jeux de 1960 à Rome.


Muhammad INAM (PAK) célèbre sa médaille d'or des Jeux mondiaux de lutte de plage. (Photo : Theo Lowenstein)

"La lutte de plage va continuer de se développer parce que c'est une discipline qui reste simple et pour les lutteurs et pour le public," pense Inam. "C'est très convivial et ça ne dure que trois minutes. Les règles sont qu'il faut mettre le dos de l'adversaire au sol pour gagner. Cette règle est commune à tous les dangals de l'Inde et du Pakistan et à la plupart des styles de lutte autour du monde. Sinon, le faire sortir de la zone."

"La lutte libre et la lutte gréco-romaine sont différentes, avec des règles particulières. Le lutteur attaquant se retrouve aussi sur son dos et les spectateurs sont un peu confus quand il reçoit des points dans cette position."

La gloire olympique amènerait certainement richesse et célébrité à Inam, mais lui pense que cela aiderait la lutte, un sport "négligé" dans le pays. Bien que les garçons s'entraînent dans les quelques centres qui restent au Pakistan, Inam trouve désolant le fait que le Pakistan n'ait su construire une équipe de lutte féminine.

La lutte libre doit encore décoller au Pakistan tandis que la lutte à la ceinture est vue comme plus acceptable. Inam, cependant, croit que la lutte de plage peut se développer et que les femmes pourront pratiquer la discipline.

"Il y a au Pakistan des équipes féminines de karaté, de judo, de taekwondo et même de cricket. Alors pourquoi pas la lutte ? La lutte de plage est un outil formidable pour dépasser, effacer ces problèmes culturels et l'oppression que tout le monde subit."

"Si elles ont le droit de pratiquer d'autres sports, alors il faut leur permettre de lutter aussi. Pour l'égalité des sexes, c'est la meilleure façon de commencer. Je crois que les filles doivent être libre de faire du sport. Le monde a changé et donc, nous devons changer et laisser les filles lutter."